19 octobre 2006

Sortie des artistes

Félix Leclerc, Robert Charlebois, Gilles Vigneault, Jean-Pierre Ferland, Claude Léveillée, Pauline Julien, Diane Dufresne, tous ces artistes font partie du paysage de mon adolescence. Sur ma table tournante, ils ont côtoyé les Genesis, Emerson Lake and Palmer ou Supertramp, mais aussi Harmonium, Beau Dommage et Les Séguin. À ces grands artistes, je dois mon attachement à la chanson francophone et mon amour des beaux textes et des paroles de chanson qui ont un sens. Ils ont porté notre culture québécoise à son plus haut niveau, et c’est avec fierté qu’ils nous ont représentés en France, où ils ont ouvert les portes que franchissent désormais plus facilement les jeunes artistes.

À 62 ans, Charlebois est aussi fougueux qu’à 30 et ne souhaite pas s’arrêter de sitôt. Même si elle se trouvait déjà vieille à 40 ans, Diane Dufresne n’a pas besoin d’oxygène pour continuer à donner des spectacles. Je l’ai vue partager la scène avec des rappeurs qui, eux, semblaient avoir le souffle coupé devant tant d’énergie.

Claude Léveillée n’a pas eu cette chance. Il s’est écroulé en plein spectacle et un deuxième accident vasculaire cérébral (AVC) est venu anéantir tout espoir de retour sur scène. La semaine dernière, c’était au tour Jean-Pierre Ferland de nous faire une peur bleue. À la suite d’un malaise, il s’est rendu à l’hôpital et il a été forcé d’annuler son spectacle car on a d’abord cru qu’il avait fait un AVC lui aussi. Aujourd’hui, il est de retour chez lui et les médias ont expliqué qu’il avait subi une opération qui lui a évité le pire.

Nos artistes ne veulent pas s’arrêter. Comme tout le monde, ils vieillissent. Certains très bien, d’autres un peu moins. Et ils continuent à travailler fort, à s’épuiser, jusqu’à ce que leur corps refuse d’aller plus loin. Je n’aurais pas voulu voir Jean-Pierre Ferland s’écrouler sur la scène en guise d’adieu. Mais je suis persuadée qu’il y retournera et qu’il sera ovationné. Ce sera bien, ce sera beau, sûrement grandiose, mais ce sera un moment terriblement fragile où chacun retiendra son souffle de peur que quelqu’un ne vienne faucher cet instant de vie qui risque à tout moment de s’envoler.

01 octobre 2006

Écroulement

Samedi midi, je prenais la route pour aller cueillir des pommes avec mon copain. Dans la boutique où nous nous sommes arrêtés pour acheter un sandwich, un jeune homme racontait à la serveuse qu’un grave accident venait de se produire sur une autoroute de Laval.

C’est en écoutant la radio, sur le chemin du retour, que nous avons compris que le viaduc qui venait de s’écrouler était celui que j’emprunte toutes les semaines tout près de chez moi. Frissons.

Ma fille ne nous accompagnait pas, mais je savais qu’elle était sortie elle aussi pour aller cueillir des pommes avec des amis. Sur la route, quelque part, à quelle heure? Un court instant l’inquiétude m’a envahie, mais j’ai vite réalisé que les heures ne concordaient pas, et qu’ils devaient avoir quitté la maison beaucoup plus tard. Soulagement.

J’avais quand même hâte d’avoir de ses nouvelles, tout comme ma sœur qui s’est vite empressée de téléphoner chez moi pour vérifier si j’avais encore tous mes morceaux. Je savais qu’elle allait m’appeler. Je l’ai rassurée. Nous étions tous sains et saufs.

Cet accident a fait des morts et des blessés. On avait signalé la chute de morceaux de béton environ une heure avant l’écroulement. Personne n’a pris la décision d’interrompre la circulation. Un morceau de béton qui risquait de tomber sur la tête de quelqu’un n’avait pas l’air d’être une raison suffisante. Il a fallu que le viaduc s’écroule pour que les autorités commencent à s’inquiéter. Trop tard.

Des personnes ont payé de leurs vies la négligence de ceux qui n’ont pas réalisé au bon moment l’urgence de la situation.

Aujourd’hui, c’est comme ça. Avant de réparer le toit, on attend qu’il s’écroule. Avant de réparer les trains, on attend qu’ils déraillent. Avant d’adopter des mesures pour contrôler le réchauffement de la planète, on attend qu’elle étouffe.

Et nous, nous sommes dessus, dedans ou dessous, toujours vivants. Pour le moment.