Le Coca-Cola n’a pas le même goût en Amérique du Sud qu’au Québec. Pour la pauvreté, c’est pareil. Ici, toutes les ressources sont disponibles pour aider les gens, toute la richesse de notre pays nous permet de croire que, comme le disait si bien John Saul, la pauvreté pour les gouvernements est un problème qu’il serait très facile d’éliminer et qui ne coûterait presque rien. Ouille, pas facile d’entendre ces paroles, même lorsqu’elles sont prononcées par un grand intellectuel qui sait de quoi il parle.
En Amérique du Sud, j’ai vu des enfants mendier pour manger, tellement sales qu’ils semblaient avoir le visage couvert de gales et les yeux tout collés, souvent infectés. Ces beaux grands yeux qui nous regardaient à travers la vitrine des restaurants, nous incitant à leur laisser quelques restes qu’ils s’empressaient de venir dévorer dès que nous quittions la table, sous l’œil complice des propriétaires qui les laissaient faire. Pas vu ça ici.
Mais j’ai vu, l’autre jour, sur la rue Fleury, une jeune fille qui nourrissait son bébé au sein en même temps qu’elle tendait la main aux clients attablés à une terrasse, clients ébahis tout autant que nous l’étions, mon copain et moi, assis à l’intérieur du café-restaurant, nous frottant les yeux pour être certains que nous avions bien vu.
C’est vrai, on ne voit pas ça tous les jours. C’est vrai qu’il y a des quartiers plus pauvres où la situation doit être bien pire, plus visible. Mais petit à petit, la pauvreté ne peut plus se cacher et les besoins grandissent à mesure que les difficultés semblent devenir insurmontables. C’est vrai aussi que la pauvreté, ici, ne devrait pas exister.
Alors pourquoi existe-t-elle? D’où vient-elle? Comment s’installe-t-elle dans une vie et pourquoi? Comme disent les Québécois : « Chez nous, on n’était pas riche, mais on mangeait tous les jours et on avait de quoi se loger. » Je dis souvent à ma fille que l’argent de poche que je lui donne chaque jour représente plus que ce que ma mère me donnait pour un mois. Et encore! Qu’elle est bien chanceuse d’avoir une chambre chez chacun de ses parents, alors que j’en partageais une, pas plus grande que la sienne, avec mes deux autres sœurs. Étions-nous pauvres pour autant? Peut-être pas très riches, mais pauvres, ça non. Les pauvres, on les reconnaissait à leurs vêtements un peu ternes, à leurs boîtes à lunch trop vides à l’école, à leur isolement, à leurs tristes mines. Pauvreté rime avec désarroi, vulnérabilité, privation. Être démuni, c’est manquer de munitions pour se battre, dans un monde de richesse et d’abondance, où on choisit de jeter les surplus au lieu de les donner à ceux qui en ont besoin, pour ne pas nuire au marché, pour ne pas que notre économie s’effondre.
Plus facile de les ignorer que de les écouter, ces pauvres qui nous rappellent que notre système a grand besoin d’être soigné, changé, bouleversé. Parce qu’ils nous mettent devant un fait bien difficile à accepter : nous ne pourrons pas continuer encore longtemps comme ça. Et si vous regardez la situation économique mondiale actuellement, on dirait bien que le monde est bien plus pauvre qu’il n’a l’air de le croire…
En Amérique du Sud, j’ai vu des enfants mendier pour manger, tellement sales qu’ils semblaient avoir le visage couvert de gales et les yeux tout collés, souvent infectés. Ces beaux grands yeux qui nous regardaient à travers la vitrine des restaurants, nous incitant à leur laisser quelques restes qu’ils s’empressaient de venir dévorer dès que nous quittions la table, sous l’œil complice des propriétaires qui les laissaient faire. Pas vu ça ici.
Mais j’ai vu, l’autre jour, sur la rue Fleury, une jeune fille qui nourrissait son bébé au sein en même temps qu’elle tendait la main aux clients attablés à une terrasse, clients ébahis tout autant que nous l’étions, mon copain et moi, assis à l’intérieur du café-restaurant, nous frottant les yeux pour être certains que nous avions bien vu.
C’est vrai, on ne voit pas ça tous les jours. C’est vrai qu’il y a des quartiers plus pauvres où la situation doit être bien pire, plus visible. Mais petit à petit, la pauvreté ne peut plus se cacher et les besoins grandissent à mesure que les difficultés semblent devenir insurmontables. C’est vrai aussi que la pauvreté, ici, ne devrait pas exister.
Alors pourquoi existe-t-elle? D’où vient-elle? Comment s’installe-t-elle dans une vie et pourquoi? Comme disent les Québécois : « Chez nous, on n’était pas riche, mais on mangeait tous les jours et on avait de quoi se loger. » Je dis souvent à ma fille que l’argent de poche que je lui donne chaque jour représente plus que ce que ma mère me donnait pour un mois. Et encore! Qu’elle est bien chanceuse d’avoir une chambre chez chacun de ses parents, alors que j’en partageais une, pas plus grande que la sienne, avec mes deux autres sœurs. Étions-nous pauvres pour autant? Peut-être pas très riches, mais pauvres, ça non. Les pauvres, on les reconnaissait à leurs vêtements un peu ternes, à leurs boîtes à lunch trop vides à l’école, à leur isolement, à leurs tristes mines. Pauvreté rime avec désarroi, vulnérabilité, privation. Être démuni, c’est manquer de munitions pour se battre, dans un monde de richesse et d’abondance, où on choisit de jeter les surplus au lieu de les donner à ceux qui en ont besoin, pour ne pas nuire au marché, pour ne pas que notre économie s’effondre.
Plus facile de les ignorer que de les écouter, ces pauvres qui nous rappellent que notre système a grand besoin d’être soigné, changé, bouleversé. Parce qu’ils nous mettent devant un fait bien difficile à accepter : nous ne pourrons pas continuer encore longtemps comme ça. Et si vous regardez la situation économique mondiale actuellement, on dirait bien que le monde est bien plus pauvre qu’il n’a l’air de le croire…