15 octobre 2008

Pauvres nous

Le Coca-Cola n’a pas le même goût en Amérique du Sud qu’au Québec. Pour la pauvreté, c’est pareil. Ici, toutes les ressources sont disponibles pour aider les gens, toute la richesse de notre pays nous permet de croire que, comme le disait si bien John Saul, la pauvreté pour les gouvernements est un problème qu’il serait très facile d’éliminer et qui ne coûterait presque rien. Ouille, pas facile d’entendre ces paroles, même lorsqu’elles sont prononcées par un grand intellectuel qui sait de quoi il parle.

En Amérique du Sud, j’ai vu des enfants mendier pour manger, tellement sales qu’ils semblaient avoir le visage couvert de gales et les yeux tout collés, souvent infectés. Ces beaux grands yeux qui nous regardaient à travers la vitrine des restaurants, nous incitant à leur laisser quelques restes qu’ils s’empressaient de venir dévorer dès que nous quittions la table, sous l’œil complice des propriétaires qui les laissaient faire. Pas vu ça ici.

Mais j’ai vu, l’autre jour, sur la rue Fleury, une jeune fille qui nourrissait son bébé au sein en même temps qu’elle tendait la main aux clients attablés à une terrasse, clients ébahis tout autant que nous l’étions, mon copain et moi, assis à l’intérieur du café-restaurant, nous frottant les yeux pour être certains que nous avions bien vu.

C’est vrai, on ne voit pas ça tous les jours. C’est vrai qu’il y a des quartiers plus pauvres où la situation doit être bien pire, plus visible. Mais petit à petit, la pauvreté ne peut plus se cacher et les besoins grandissent à mesure que les difficultés semblent devenir insurmontables. C’est vrai aussi que la pauvreté, ici, ne devrait pas exister.

Alors pourquoi existe-t-elle? D’où vient-elle? Comment s’installe-t-elle dans une vie et pourquoi? Comme disent les Québécois : « Chez nous, on n’était pas riche, mais on mangeait tous les jours et on avait de quoi se loger. » Je dis souvent à ma fille que l’argent de poche que je lui donne chaque jour représente plus que ce que ma mère me donnait pour un mois. Et encore! Qu’elle est bien chanceuse d’avoir une chambre chez chacun de ses parents, alors que j’en partageais une, pas plus grande que la sienne, avec mes deux autres sœurs. Étions-nous pauvres pour autant? Peut-être pas très riches, mais pauvres, ça non. Les pauvres, on les reconnaissait à leurs vêtements un peu ternes, à leurs boîtes à lunch trop vides à l’école, à leur isolement, à leurs tristes mines. Pauvreté rime avec désarroi, vulnérabilité, privation. Être démuni, c’est manquer de munitions pour se battre, dans un monde de richesse et d’abondance, où on choisit de jeter les surplus au lieu de les donner à ceux qui en ont besoin, pour ne pas nuire au marché, pour ne pas que notre économie s’effondre.

Plus facile de les ignorer que de les écouter, ces pauvres qui nous rappellent que notre système a grand besoin d’être soigné, changé, bouleversé. Parce qu’ils nous mettent devant un fait bien difficile à accepter : nous ne pourrons pas continuer encore longtemps comme ça. Et si vous regardez la situation économique mondiale actuellement, on dirait bien que le monde est bien plus pauvre qu’il n’a l’air de le croire…

14 septembre 2008

Bientôt sur vos écrans: la pauvreté


L'an dernier, le sujet proposé portait sur l'environnement. Cette année, on demande aux blogueurs de réfléchir sur la pauvreté... et d'en parler.

Alors, pas d'excuse. Vous avez jusqu'au 15 octobre pour y penser et vous inscrire. Le 15 octobre, il faut écrire sur la pauvreté.




01 septembre 2008

Passion de lecture


Je me sens toujours un peu maladroite pour parler d’un livre. Parce que pour moi, lecture rime avec silence. Silence intérieur pour laisser place à une autre voix que la sienne : celle de l’auteur. Silence autour de soi, pour ne pas se laisser distraire et ne rien rater de ces phrases qui comptent, car une phrase oubliée risque parfois de compromettre la compréhension de l’ensemble, nous faire perdre le fil si fragile qui permet de garder le contact. Lire, pour moi, c’est communier avec l’auteur.

En lecture comme en amitié, je ne laisse pas n’importe qui entrer. Très (trop?) souvent, après quelques pages, je me désintéresse et je passe au suivant. C’est que j’ai la chance d’avoir l’embarras du choix, j’en conviens. J’attendais Enthéos depuis quelques semaines, car une amie m’avait parlé de son auteure et j’étais curieuse de découvrir ce roman. Cette fois-ci, sincèrement, aucune déception. Rien ne m’aurait fait abandonner cette lecture. J’ai été conquise, charmée, très agréablement envoûtée.

D’abord par le rythme. De petits chapitres, comme je les aime, qui permettent à une lectrice du soir comme moi de poursuivre sa lecture sans s’endormir sur de longs paragraphes interminables qui demandent un effort de concentration que j’ai du mal à fournir très souvent. Ensuite, un style, un vrai style. Encore une fois grâce au rythme, mais cette fois celui des phrases, des mots, des sons. L’auteure parle, elle raconte, elle respire. Et ça, j’adore.

Voilà pour la forme. Mais il y a aussi le fond. Un personnage. Thomas. Il habite ce livre du début à la fin. Le suivre dans son parcours, au rythme des saisons qui passent, qui créent l’ambiance et tracent la ligne du temps, permet au lecteur de découvrir, petit à petit, une étape déterminante de sa vie, qui découle d’un événement crucial qui a tout bouleversé. Un autre chemin, une autre voie choisie par Thomas lui permettra-t-il d’oublier, de fuir les cauchemars, de trouver ses réponses, ou devra-t-il revenir à la source pour absorber le choc et mieux se retrouver? Et un propos. Vivre sa passion, vivre passionnément. Et accepter que la vie prenne parfois d’étranges moyens pour nous mener à l’éveil. Le lecteur est touché, subtilement, par ce roman d’une grande sobriété, où peu de personnages viennent l’étourdir, pour lui permettre justement de s’attacher à ceux qui l’animent. Et là, la communion est aisée, inévitable.

C’est ce que j’appelle un vrai plaisir de lecture. Découvrir Julie Gravel-Richard grâce à ce premier roman et un privilège dont il ne faut pas se priver.

31 juillet 2008

37 secondes

Fortement médiatisée, la disparition de la jeune Cédrika il y a un an oblige bien des parents à prendre conscience d’une triste réalité : les enfants ne voient pas le mal où il ne semble pas y en avoir. Des expériences menées dans les écoles ont démontré que les très jeunes enfants n’ont pas conscience des signes dont ils doivent se méfier. Pire encore, certains ont identifié comme « méchant » un policier-éducateur parce qu’il portait une chemise noire.

Sur ce site, on peut lire que « chaque 37 secondes un enfant est porté disparu » et que « 67 461 enfants ont été portés disparus au Canada en 2006. » Les statistiques font peur. Mais ce qui me fait le plus peur, à moi, c’est que quelqu’un sait quelque chose et persiste à se taire. Les parents continuent à supporter l’insupportable avec courage, déterminés à retrouver leur fille.

Il m’arrive parfois de penser que la nature a semé chez les parents un gène spécifique. Un gène qui les rend éternellement accrochés à la vie de leurs enfants, soucieux de leur bien-être, de leur bonheur. Un parent ne dort pas tranquille s’il sait que son enfant souffre, a de la peine, a besoin de lui. Il faut être réellement pervers pour laisser les parents dans cette situation de doute. C’est un crime qui n’est pas inscrit au code, mais c’est un crime terrible. On a donné toutes les chances aux personnes qui possèdent des informations sur cette disparition de se manifester dans l’anonymat. On a offert et on offre encore des récompenses. Que faut-il faire de plus?

03 juillet 2008

Libre!

Depuis janvier que nous attendions la bonne nouvelle. Le miracle a eu lieu. Ingrid est libérée. La porte d'une cage s'est enfin ouverte pour laisser filer ce bel oiseau, cette colombe dont la sérénité éblouit. Avec elle, d'autres otages ont retrouvé la liberté. Espérons que d'autres suivront et que ce cauchemar se terminera définitvement pour tous.

12 avril 2008

Les bons mots

Fin mars, j’assistais à une causerie à l’université, où il était question de la langue française au Québec, sujet qui alimente de nombreux débats. Mais ce soir-là, ce n’est pas un débat qui a eu lieu, mais un échange d’idées des plus charmants entre le public et deux grandes dames qui en savent long sur le sujet : Marie-Éva de Villers, lexicographe, auteure du Multidictionnaire et directrice de la qualité de la communication à HEC Montréal, et Marty Laforest, sociolinguiste et professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Souvent, lorsqu’il y a discussion sur le français dans mon entourage, je cite le niveau d’éducation comme un aspect important pour juger de la qualité de la langue. Marty Laforest a mentionné que d’année en année, elle constate que ses étudiants sont de moins moins « gênés » de bien s’exprimer et que leur niveau de lange s’améliore, particulièrement chez les garçons.

Aujourd’hui, au Québec, le français est une langue vivante. Les Québécois sont de grands inventeurs de mots et savent, mieux que quiconque, préserver les expressions riches et imagées qui leur permettent de s’exprimer.

Justement, Radio-Canada a tenu récemment un concours intitulé « J’ajoute un québécisme au dictionnaire ». Parmi les mots proposés, le mot « orthopédagogue » m’a fait sursautée. J’étais absolument certaine que ce mot était déjà dans le dictionnaire depuis longtemps, tellement il est utilisé au Québec. Eh bien non ! Ce mot n’a toutefois pas été choisi parmi les gagnants. Voici ceux qui l’ont été :
  • Guidoune, choisi par Alain Rey pour Le Petit Robert;
  • Motton, choisi par Yves Garnier pour Le Petit Larousse;
  • Hameçonnage, choisi par Marie-Éva de Villers pour le Multidictionnaire de la langue française.

Quel mot aurais-je proposé si j’avais participé? Probablement « siler », comme dans « les oreilles me silent ».

Et vous ?

08 mars 2008

Penser librement

J’écris ici ce que je peux penser librement. Il m’arrive parfois d’en avoir ras-le-bol de la bêtise humaine. Je réalise que je ne peux pas supporter les gens qui s’introduisent dans l’esprit des autres pour les manipuler. C’est peut-être pour ça que je fais partie de la catégorie des « non hypnotisables ». Bon, c’est un détail et ça n’explique rien.

Quelqu’un a déjà dit - je ne sais plus qui, c’est dommage – que personne n’a le pouvoir de faire sentir quelque chose à quelqu’un. Par exemple, lorsqu’on dit « tu me fais sentir minable », on devrait plutôt dire « je me sens minable quand tu agis ainsi avec moi ou quand tu dis telle chose ». Autrement dit, ce que je ressens ne vient pas des autres, ce que je ressens émane de moi.

S’assumer c’est être libre. Il est si difficile, aujourd’hui, de ne pas dépasser les limites. Tout le monde veut envahir le territoire de l’autre. Tout le monde veut imposer sa loi, sa religion, son opinion. Tout le monde accuse l’autre de ne pas comprendre. Et personne ne sait ce qu’il faut comprendre. Nous vivons dans une tour de Babel.

Un si long chemin à parcourir et tant de forces à réunir pour porter le flambeau de notre langue jusqu’au sommet de notre pays. Y parviendrons-nous jamais? Les coureurs s’essoufflent. Les mots s’éparpillent dans les villes et les villages et se mêlent à ceux des autres. Les langues se lient et se délient. Nous ne savons plus où mettre l’accent. Nous ne savons plus comment écrire nos propres verbes, dessiner nos propres paysages. Nous sommes en train de perdre notre chemin. Y aura-t-il suffisamment de cailloux pour le retrouver ?

13 janvier 2008

Ingrid


Il arrive parfois que des personnalités nous frappent. Pour moi, ce fut le cas d’Ingrid Betancourt lorsque je l’ai vue pour la première fois dans un magazine. Je me rappelle avoir découpé l’article et l’avoir rangé dans un dossier. Je savais que ce que cette femme voulait entreprendre était loin d’être banal et certainement dangereux.

Lorsqu’elle a été enlevée par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), j’ai cru qu’elle était en danger et qu’elle ne pourrait jamais revenir vivante. Puis, comme tout le monde, j’ai oublié. Lorsque j’entendais son nom prononcé dans un reportage ou que je revoyais son visage sur les pages de magazines, j’espérais que les nouvelles soient bonnes.

Récemment, j’ai vu des images qui m’ont bouleversée. Et j’ai lu quelques pages de ce livre, quelques lignes de cette lettre écrite à sa mère et qu’on vient de publier. Ces mots de désespoir, cet épuisement qui se lit sur son visage ne laissent personne indifférent.

La libération des deux otages redonne de l’espoir. Je souhaite qu’un jour Ingrid revoie sa mère et ses enfants et qu’elle puisse témoigner, comme le font Clara Rojas et Consuelo Gonzalez en ce moment, de la situation actuelle en Colombie.

Je souhaite qu’elle vive.