24 septembre 2006

Étrangers

Quand j’étais petite, je me méfiais des Anglais. Il y avait une famille de rouquins qui habitait près de chez moi. Ils étaient tous semblables. Grands, couverts de taches de rousseurs et très agressifs. Les garçons se battaient entre eux, et les filles les encourageaient.

Plus tard, lorsque nous avons commencé à fréquenter l’école secondaire, nous devions passer devant « l’école anglaise » pour nous rendre à la nôtre. Les jeunes anglophones ne cessaient pas de nous narguer. Un jour, nous avons décidé de les attaquer. Des œufs plein les poches, nous attendions qu’ils commencent leurs habituelles provocations pour les bombarder. Croyez-moi l’effet fut absolument saisissant ! Bien sûr nous nous sommes sauvés au pas de course avant que les professeurs ou le directeur de l’école se lancent à notre poursuite.

Le lendemain, lorsque nous sommes passés devant l’école, un peu honteux d’avoir commis un tel geste, c’est avec une grande surprise que nous avons constaté que les Anglais se tenaient bien tranquilles et qu’ils allaient cesser pour de bon de nous importuner. Désormais, c’est dans le silence et la paix que nous allions passer notre chemin.

C’est clair, nous n’aimions pas les Anglais et aucun d’eux n’a jamais réellement fait partie de notre groupe. Par contre, nous avions une famille italienne dans le voisinage et leur fille est vite devenue notre amie. Les parents nous accueillaient gentiment chez eux et nous n’avons jamais senti aucun malaise entre nous. Même si ces gens-là parlaient une autre langue que la nôtre, ils avaient aussi appris à communiquer avec nous dans notre langue. Je me revois assise sur les genoux de la dame, qui tentait patiemment de me faire réciter les jours de la semaine en italien. Ces moments font partie des plus beaux souvenirs de mon enfance.

C’est finalement par ce long détour que je veux aboutir à cette chronique, publiée dans le Globe and Mail, qui a provoqué beaucoup de protestations. Je suis personnellement terriblement attristée qu’une journaliste puisse insinuer que les Québécois sont des gens intolérants, et que c’est à cause de leur manque d’ouverture envers les immigrants que se produisent des tueries comme celle qui vient d’avoir lieu au Collège Dawson.

Ouf !

Nos politiciens, eux aussi, ont lancé leurs œufs. Jean Charest a écrit : « Le texte de Mme Wong est une disgrâce. Il témoigne d’une ignorance des valeurs canadiennes et d’une incompréhension profonde du Québec. Mme Wong devrait ainsi avoir la décence de s’excuser auprès de tous les Québécois. » Stephen Harper a écrit : « Si l'auteure a droit à son opinion, l'argumentation avancée est carrément absurde et sans fondement. Sa démarche est non seulement gravement irresponsable, mais cela est faire preuve d'un préjugé inacceptable que d'attribuer la faute de ce drame à la société québécoise. » Et enfin, André Boisclair a qualifié les propos de la journaliste de « dérives intellectuelles qui témoignent d'un mépris réel à l'endroit des Québécois ».

J’espère que la dame a suffisamment été éclaboussée pour avoir besoin d’une bonne douche. Au fond, elle doit ressentir une énorme frustration pour se défouler ainsi sur nous avec des arguments aussi mesquins. Il faut être passablement inconscient et endormi pour ne pas réaliser que le Québec est une terre d’accueil pour les immigrants du monde entier et que ses citoyens sont fiers de cette diversité culturelle qui rayonne sur leur propre culture.

1 commentaire:

Beo a dit...

Bien dit!

Je me demande aussi pourquoi la direction du journal a laissé passer un tel texte!!!