27 septembre 2009

Essentiellement pronominal

Le décès de Pierre Falardeau, personnage marquant de la culture québécoise, a été largement couvert par les médias. On nous a montré des images d’un homme souriant, serrant des mains, signant des autographes. Les témoignages qui accompagnaient ces images étaient chaleureux et plutôt élogieux à l’égard de cet homme dont les opinions ont plus souvent choqué que véritablement fait changer les choses. Et dans les jours qui viennent, on lui rendra hommage et on présentera certainement une rétrospective de ses œuvres. C’est bien normal.

Atteint d’un cancer et décédé à l’âge de 62 ans, Pierre Falardeau a eu le temps de laisser sa marque. C’est en souriant qu’on se remémorera son passage dans nos vies, comme on souriait lorsque sa colère éclatait ou qu’il nous annonçait son énième Elvis Gratton.

La veille, c’est le décès de Nelly Arcan qui était annoncé. Cette fois-ci, ce n’est pas la maladie ou le destin qui a décidé. Nelly a décidé.

Cette mort-là on ne se l’explique pas. On imagine qu’une grande souffrance habite les personnes qui s’enlèvent la vie. On imagine plus difficilement la souffrance d’une personne qui nous paraît en bonne santé, jeune, belle, intelligente et talentueuse. On cherchera, en lisant ses livres et particulièrement le dernier qui sera publié prochainement, à comprendre pourquoi. Mais on ne saura probablement jamais.

Et c’est ce qui marque dans la nature de ces verbes essentiellement pronominaux : leur action ne se partage pas. S’absenter, s’autodétruire, s’écrouler, s’enfuir, s’envoler, s’évanouir, se rebeller, se suicider… Rien à faire, personne ne peut partager ça. Alors il ne reste plus qu’à y penser, en silence.

02 août 2009

Le crime des médias

Je me suis abonnée à La Presse sur mon ordi. Comme disent la Français, « c’est vachement chouette ». Comme ça, je ne me salis pas les mains et je ne gaspille pas de papier. Je peux sauvegarder les articles qui m’intéressent, les imprimer au besoin dans des formats différents. Je peux mettre des signets et regrouper les articles par catégorie. Bref, des heures de plaisir!

Mais depuis que je parcours un peu plus régulièrement les pages des médias écrits, pour mon travail et pour ma culture personnelle aussi, je constate que, malheureusement, il y a beaucoup de caractères inutiles qui s’impriment. Moi, mon média préféré depuis que je suis toute petite, c’est la radio. Pourquoi? Parce que ça oblige les journalistes à aller à l’essentiel. Mais je m’égare…

Je n’écris pas souvent sur ce blogue que j’ai créé pour m’exprimer sur l’actualité et échanger avec des lecteurs qui, de toute évidence, sont trop peu nombreux pour susciter une réelle discussion ou un éventuel débat. Mais bon. Tant pis. Je vais m’exprimer quand même, pour ceux que ça intéresse.

On a écrit récemment que les arnaqueurs du type Vincent Lacroix ou Earl Jones pourraient être comparés à des psychopathes. Ça me rassure d’une certaine manière. Parce que ça répond aux questions que je me pose sur ce genre de monstres : Comment font-ils pour ne pas se douter qu’ils finiront un jour ou l’autre par se faire prendre? Comment peuvent-ils vivre dans le luxe, en dépensant pendant des années l’argent qu’ils volent consciemment à des centaines de petits investisseurs, sans ressentir aucun remords? Les psychopathes sont des malades parfois dangereux. Devons-nous vraiment leur rendre la liberté?

Le crime des médias, c’est de condamner les gens avant qu’ils aient été jugés. Comme tout le monde, j’ai été frappée et choquée par l’événement tragique qui a causé la mort de quatre femmes à Kingston. J’ai été saisie de stupeur quand j’ai appris que la famille, le père, le fils et la seconde épouse avaient été arrêtés et étaient soupçonnés d’avoir commis ce crime. J’ai été intriguée par ce qu’on qualifie de « crime d’honneur ». Mais je n’ai rien lu de bien éclairant ou même d’intelligent dans les médias. Surtout pas dans les blogues des journalistes qui se sont exprimés sur le sujet. Seul le texte écrit par Yolande Geadah, auteure d’un essai sur les accommodements raisonnables, a pu m’apporter un point de vue objectif et instructif sur cette délicate question.

Le crime des médias, c’est de se précipiter sans réfléchir sur le clavier pour écrire à tout prix, n’importe quoi, pour faire vendre la copie. Le Journal de Montréal, même en période de conflits, sans ses journalistes, continue à être publié. Et les gens continuent à l’acheter. Les journalistes sont-ils complètement inutiles? Dépassés? Bons pour le recyclage?

La question est ouverte.

08 juillet 2009

Dormir en paix

En ce matin du 25 juin, dans un petit café d’un hôtel de Cayo Coco à Cuba, un jeune homme faisait jouer à tue-tête la musique de Michael Jackson. Des images du chanteur défilaient sur l’écran du téléviseur dont le son était coupé. Michael est mort? dis-je, incrédule, à mon copain qui sirotait son expresso. Puis les images se sont envolées, la musique s’est tue et nous n’y avons plus pensé.

Sur le vol du retour, dans l’avion qui nous ramenait à Montréal trois jours plus tard, le journal confirmait la nouvelle. Michael Jackson, l’idole de ma jeunesse, est mort à cinquante ans, l’âge que j’ai moi-même aujourd’hui. C’est ce qui m’a d’abord le plus frappée.

Ensuite, j’ai cherché à savoir ce qui s’était passé. Comment était-il mort? Il me paraissait assez improbable que cet homme pouvait souffrir d’un problème cardiaque, alors qu’il se préparait à livrer une cinquantaine de spectacles, à guichets fermés. N’avait-on pas évalué son état de santé avant d’investir dans une telle tournée?

Au fil de mes recherches sur Internet, je me suis laissé prendre au jeu. J’ai visionné plusieurs vidéos sur You Tube, lu les derniers potins et téléchargé quelques-uns de ses plus grands succès. J’ai même acheté des magazines publiés à la hâte quelques jours après sa mort – des albums souvenirs remplis de photos qui nous rappellent combien cet artiste s’est transformé au cours des dernières années.

Ces transformations ont d’ailleurs fait l’objet de tellement de commentaires, tout autant que les graves accusations portées contre lui. Michael Jackson a été jugé par les médias bien avant que la justice n’ait rendu son verdict. Sa vie, comme celles de bien des personnages publics qui font vendre des copies, a été étalée sans respect. Et on a fait état bien plus de ses mauvais coups que de ses bonnes actions, qui ont été pourtant très nombreuses.

Au Québec, nous avons une belle tradition qui je l’espère continuera à se perpétuer : nous rendons hommage aux personnes qui le méritent pendant qu’ils sont encore en vie. Ainsi, nous avons entendu des témoignages d’amour et d’admiration, parfois tintés d’humour et ponctués d’anecdotes savoureuses, à de grands artistes de chez nous, à des personnages publiques et à des gens ou des organismes qui œuvrent dans la communauté. En présence de ceux qui sont encore vivants pour recevoir ces témoignages, ces remerciements, ces marques d’amour et cette reconnaissance, ces manifestations prennent tout leur sens et deviennent non pas une occasion de partager une grande tristesse, mais une occasion d’échanger et de recevoir encore plus d’amour. Un amour qui décuple l’énergie de ceux qui le donnent et de ceux qui le reçoivent.

Avons-nous trop parlé ou trop entendu parler de la vie et de la mort de Michael Jackson? Je suis profondément émue chaque fois que je vois des images de lui, que j’entends sa voix. J’ai été profondément émue en écoutant les témoignages de ses amis et de ses proches au cours de la cérémonie qui a eu lieu hier. Il y avait longtemps que ce grand artiste n’était pas monté sur les planches. Il s’apprêtait à le faire, et je suis persuadée que ce spectacle aurait été grandiose. Mais le destin en a décidé autrement. Toute sa vie Michael Jackson aura été poursuivi par les médias. J’espère que désormais, il pourra enfin dormir en paix.

05 avril 2009

Apostasie

Ce jour-là, j’écoutais la radio distraitement quand j’ai entendu la nouvelle. Une nouvelle qu’aujourd’hui personne ne peut ignorer. Une nouvelle qui a fait le tour du monde, qui a alimenté de nombreuses discussions et suscité des vives réactions. Et pour cause.

L’Église condamne l’avortement point. L’Église condamne aussi la liberté sexuelle et la contraception. Devant les déclarations du pape sur la propagation du sida et l’usage du condom, devant les gestes posés par l’archevêque Mgr José Cardoso Sobrinho au Brésil dans l’affaire de l’avortement d’une fillette victime de viol, je m’interroge aujourd’hui non pas sur ma foi, mais sur ma volonté de demeurer membre de cette Église.

Je n’ai jamais pensé que l’avortement était un moyen de contraception. J’ai toujours pensé que les personnes qui ont des relations sexuelles non protégées, dans un monde comme aujourd’hui où il est si facile d’obtenir une prescription de contraceptif ou d’acheter des condoms, s’exposent consciemment à un risque. Que dans ces cas-ci, une grossesse non désirée n’est par réellement un accident. Il y a tout de même une notion de responsabilité et l’avortement n’est pas un banal acte médical pour se débarrasser d’un fœtus. Mais il faut admettre que dans certains cas, l’avortement est une option qui doit être considérée. Aux parents de choisir de donner ou non la vie à un enfant et aux professionnels de la santé de s’occuper du reste. Aider, informer, éduquer.

Mais le viol. Ça, désolée, mais je crois que c’est une raison suffisante pour refuser de donner la vie. Et dans le cas de cette fillette de neuf ans, la question ne se pose même pas. Comment peut-on, au nom d’une loi, fermer les yeux à ce point sur la souffrance d’un être humain, d’une enfant?

Je comprends que bien des gens, aujourd’hui, se demandent comme moi ce qu’ils ont en commun avec les lois de cette religion.

24 janvier 2009

La tête sous l'oreiller

Un gentil petit théâtre que La Licorne. Déjà bondé lorsque nous sommes arrivés, mon copain et moi, essoufflés d’avoir galopé par ce soir de grand froid, craignant d’être en retard parce que nous avions stationné la voiture trop loin. Pour ne pas nous séparer, nous voilà obligés de nous installer à la toute dernière rangée. Pas grave, la salle est petite et la scène est bien visible. La dame à côté de moi sirote un verre de rouge bas de gamme, l’odeur de l’alcool me donne un peu mal au cœur.

Ce soir-là, donc, dans ce gentil petit théâtre, les comédiens joueront une pièce qui nous aura secoués. Quelques spectateurs quittent la salle dès le début, secoués. C’est que l’histoire qu’on nous raconte n’est pas un jeu d’enfant.

Il était une fois… Les comédiens ont le mérite de rendre le texte – trop long, inégal, ennuyant par moment et dont le cynisme douteux peut choquer gravement – pas trop pénible à supporter. Mais le propos lui, se digère un peu mal. Même très mal.

Entendons-nous. Les critiques semblent unanimes. La pièce a d’ailleurs été couronnée de prix prestigieux à Londres et à New York. Mais la spectatrice que je suis, non rompue à ce genre de spectacle (je l’avoue, je ne vais pas au théâtre très souvent), a subi un choc et est ressortie avec un gros sac de points d’interrogation. Sac qui est loin d’être vidé d’ailleurs. Lire les critiques ne m’a pas aidée. En discuter avec mes amies a été beaucoup plus éclairant.

Ce qui m’a dérangée : qu’on nous invite à rire de sujets aussi tragiques que la mort d’un enfant, la torture, l’humiliation, la naïveté d’un adulte un peu arriéré, l’agression d’enfants…

Ce qui m’a plu : le jeu des comédiens qui défendent très bien cette pièce, Le Pillowman, particulièrement Frédéric Blanchette, que je viens de découvrir.

Bon, j’ai été déçue. Mais je pense que cette pièce mérite qu’on s’y attarde. Elle mérite qu’on l’étudie et qu’on y réfléchisse, mais pas sur l’oreiller…


Le Pillowman,
de Martin McDonagh, mise en scène de Denis Bernard, avec Antoine Bertrand, Frédéric Blanchette, David Boutin, Daniel Gadouas et Marie-Ève Milot. Au Théâtre La Licorne jusqu'au 21 février.

11 janvier 2009

C'était pour rire

Je sais que tout le monde en a parlé, mais je ne sais pas ce que tout le monde en a dit. Mais ce que j’ai entendu ou lu à propos du Bye Bye 2008 m’a terriblement agacée. On dirait que tout le monde attend cette foutue émission de fin d’année pour sauter sur leur clavier ou sur leur téléphone pour écrire ou dire des niaiseries à propos de ce qu’ils ont vu et entendu à cette seule émission. Alors qu’à l’année longue, les humoristes crachent leur venin sur les artistes, les politiciens, les journalistes, les Noirs, les handicapés, les femmes, les couples, et même sur le malheur des gens. Nommez-moi un humoriste qui ne s’alimente pas presque uniquement à même l’actualité pour se promener d’un côté de la scène à l’autre en répétant ce qu’un autre humoriste a dit une semaine avant lui, en changeant une ou deux phrases pour avoir l’air intelligent. (Oui, il y en a, mais on peut les compter sur les doigts d’une seule main.)

Le métier d’humoriste est un métier que je ne voudrais pas pratiquer. Non seulement on doit faire rire les gens, mais on doit aussi ménager les susceptibilités tout en n’étant pas trop plate. Les Bye Bye se suivent mais ne se ressemblent pas, et c’est tant mieux comme ça. Mais ces émissions ont une chose en commun, elles ont toutes été vertement critiquées et n’ont jamais fait l’unanimité. De là à faire un procès à une jeune équipe qui ne demandait qu’à tenter sa chance en relevant un beau gros défi, c’est suffisant pour décourager tous les jeunes humoristes encore assis sur les bancs de l’École de l’humour. La question n’est plus de savoir ce qui est drôle ou pas, ce qui se dit ou ne se dit pas, ce qui se fait ou ne se fait pas, la question est de savoir qui a intérêt à tasser les jeunes de la grande table de l’humour qui est déjà, à mon avis, bien trop pleine.

Moi, j’ai ri, un peu, le soir du Bye Bye. Mon chum a ri plus que moi. Je ne ris pas facilement et je ne ris pas de n’importe quoi ou de n’importe qui. Mais je ne ris plus quand je vois Louis Morissette et Véronique Cloutier, les yeux cernés, forcés à s’excuser parce qu’ils ont offensé quelques personnes, alors que bien d’autres avant eux ont été passablement plus cruels, déplacés, carrément moins drôles. Moi, je les félicite pour leur courage et leur travail et j’espère qu’ils vont continuer à faire rire ceux qui ont le sens, le vrai sens de l’humour. Pour les autres, ils n’ont qu’à changer de poste.